Chapitre 1
Le monde
était au bord du conflit généralisé. Les petites nations avaient cristallisé
les intérêts divergents des deux grandes nations X et Y, et étaient, désormais, en
conflit ouvert les unes avec les autres. Elles formaient des petits points rouges sur
les cartes des JT et ceux -ci dessinaient les lignes de fracture irréconciliables. En
dehors du coup d’envoi, les petites nations n’avaient pas eu un très grand rôle
à jouer, à mi-chemin entre l’accessoire et la figuration. Elles attendaient,
comme tout le monde, que leur sort soit décidé par la suite des évènements. Le
troisième et dernier acteur était la population mondiale. Celle-ci se divisait end eux camps selon des tendances politiques présentes à la fois dans les petites et les grandes nations. D’un côté
se trouvait les bellicistes, souvent majoritaires, qui pensaient que leur camp
allait l’emporter et qui exhortaient leurs leaders à l’action et de l’autre,
les pacifistes, souvent minoritaires mais toujours influents, qui pensaient
perdre et qui appelaient leurs dirigeants à chercher l’apaisement. Les deux
grandes nations avançaient ainsi leurs pions, démontrant à la fois une volonté
d’en découdre tout en se gardant bien de déclarer une guerre ouverte : X
envahissait telle petite nation, Y répondait en bombardant telle autre ;
l’une refusait d’inviter l’autre à ses jeux olympiques, l’autre inventait des
jeux olympiques, et y invitait tout le monde sauf son ennemi juré et tout
cela d’être mis en scène sur les réseaux sociaux. La tension était à son comble
alors que l’imagination des community managers menaçait de se tarir mais, tout
à coup, l’impensable arriva.
Chapitre 2
Un jour, une soucoupe apparut sur
les écrans radars du monde entier. Elle pénétra l’atmosphère et vint
s’immobiliser au-dessus du Pacifique couvrant l’espace entre les grandes
puissances X et Y, comme une sorte de trait d'union.
Chapitre 3
On spéculait sur l’origine de l’objet.
Bien vite, chacun des états-majors X et Y arriva à la conclusion qu’il devait s'agir presque certainement d’une arme secrète développée par l’ennemi. Chacune des grandes
puissances X et Y, effrayée que l’autre ne fasse feu en premier avec ce qu’elle
pensait être une super arme atomique, décida de réunir tout son arsenal pour
agir en premier. Les petites nations furent mises à contribution. La partie
belliciste de la population salua le courage de ses dirigeants tandis que la
partie pacifiste protesta vigoureusement et organisa des sit-ins devant les
lieux de pouvoirs. Lorsqu’il se produisit un nouveau coup de théâtre : les
services de renseignement des grandes puissances découvrirent que l’objet
n’était pas une arme secrète mais un vaisseau spatial venu d’un autre monde.
Chapitre 4
La panique se calma d’un coup.
Les grandes nations X et Y se présentèrent réciproquement des excuses et signèrent
un cessez-le-feu. Désormais, il n’y avait plus ni grande puissance X ou Y, mais
une seule nation planétaire, la coalition Z, unie pour combattre la menace
extérieure. Les petites nations, se demandant jusqu’à présent si leur
allégeance à l’une ou l’autre des grandes puissances serait profitable, arborait
alors la confiance de ceux qui n’ont pas le choix et supportaient avec un
enthousiasme renouvellé cette coalition Z. La population pacifiste salua l’accord
de paix, inespéré, de même que la population belliciste qui prit cela comme un premier pas vers la guerre contre les envahisseurs.
Néanmoins, les extraterrestres ne
s’étaient toujours pas montrés. À vrai dire aucun signe de vie n’avait été
observé autour de l’objet ou à l’intérieur. La paix était revenue dans le monde
car il fallait bien se préparer à la guerre mais sans déclaration formelle comment
être sûr que l’on était bien en guerre ; et que l’on ne faisait pas tout ça pour
rien ? Il n’y avait ni requête, ni demande, ni menace. La population
s’impatienta. Les bellicistes ne comprenaient pas que la coalition n’attaque
pas les premiers. Après tout, on ne s’avait pas de quoi leur force de frappe
était capable. Les pacifistes s’arrachaient
les cheveux, la non-attaque des extraterrestres était une marque de leur pacifisme,
aussi il n’était pas étonnant qu’ils hésitassent à sortir de leur vaisseau
ayant pointé sur eux l’arsenal d’une planète entière. Suite au discours de
langue de bois de ses élus, la population se mit en colère, petit à petit
chaque camp, à la fois chez les petites et grandes puissances, menaçaient d’en
venir aux mains. Il fallait faire quelque chose.
Chapitre 5
Les grandes puissances X et Y
envoyèrent, sous un mandat de la coalition Z, une mission scientifique afin d'étudier
de plus près l’objet interstellaire. Il en ressortit qu’il n’y avait aucune
trace de vie et que c’était probablement seulement un objet céleste dont les
caractéristiques étaient trop éloignées des connaissances scientifiques de
l’époque pour être comprises. Un détail, pourtant, n’avait pas échappé à
l’ensemble des dirigeants. Le rapport des scientifiques faisait état, très
brièvement, de la richesse des matériaux qui composaient l’objet. C’était une
manne financière sans limites ou presque. L’objet s’étendait sur des milliers
de kilomètres entre les nations X et Y. Assez vite, les deux
grandes nations proclamèrent chacune la propriété de l’objet et devant
l’entêtement de l’autre à ne pas réaliser qu’ils étaient dans leur droit, ils
déchirèrent le cessez-le-feu et mirent fin à la coalition Z, qui selon leurs organes de presse respectives n'avaient, de toute façon, été qu'une erreur depuis le début. Les petites
nations furent sommées de prêter allégeances aux grandes. Les bellicistes et
les pacifistes se transformèrent en pro et anti
exploitation (ce dernier était, de loin, minoritaire) et bientôt la situation
ressembla en tous points celle du chapitre 1.
Chapitre 6
À l’intérieur de l’objet céleste
qui était en fait un vaisseau spatial, les grands dirigeants extraterrestres X
et Y devisaient de la stratégie à adopter. Habituellement, les populations
locales s’entretuaient assez rapidement, devant la perspective d’une faction à
s’enrichir plus que l’autre. Les terriens, cependant, prenaient leur temps et
cela intriguait, pour ne pas dire plaisait au grand dirigeant X. L’autre grand
dirigeant, l’Y, était plus circonspect. Il tenait une calculatrice à la main et
essayait d’attirer l’attention de l’autre sur les incohérences mathématiques
attenant à la poursuite de l’entreprise d’exploitation de la planète
E384747-37-HP. Celle-ci devenait couteuse. En effet, le compteur d’extraction
de ressources indiquait 0 et celui des dépenses engagées montait, montait,
montait…
- Je vous
prie de m’excuser, cher collègue, mais il semble que nous soyons dans
l’obligation mathématique d’aller prospecter ailleurs. Il est devenu insensé de
continuer plus en avant ici, dit Y. Je suggérerais de…
-
Oh tu me fatigues avec tes chiffres. As-tu déjà
vu une espèce aussi étrange ? C’est fascinant et je pense qu’il en va de
notre devoir de scientifiques d’enregistrer ces faits-là.
-
D’accord, mais tout de même, je vous rappellerais
que notre mission a été financé dans le but d’étendre nos capacités minières.
-
Regarde, regarde ! s’exclama X, ils se
remettent sur la gueule ! Incroyable, un coup ils s’associent et l’autre,
pour une broutille, se tournent les uns contre les autres. Cependant, ils n’iront
pas jusqu’à l’extinction finale. Incroyables, c’est comme s’ils ne calculaient
pas leurs actions. Tu parles qu’ils évoluent si lentement, ils font un pas en
avant deux pas en arrière, ces cons !
-
Il faut partir, répondit Y.
-
Attends un peu.
-
Laissons un drone les enregistrer et partons.
-
Tu me fais chier putain ! Je veux les voir,
moi !
-
Allez !
-
Ta gueule !
X saisit son arme et vaporisa Y. Il
avait saboté la mission et le vaisseau allait maintenant se crasher. Aussi, il
avait saisi dans cette instant la futilité de la vie : il avait été
capitaine d’un minuscule vaisseau parmi une flotte en comptant des quadrillions de trillions de billiards de milliards et la plupart bien plus gros. De même, il avait pris conscience qu’il était une entité
artificielle ayant été fabriquée pour obéir et remplir les objectifs d’une
mission à l’importance minimale, pour ne pas dire quasi nulle, voire peut-être
déjà obsolète et dont l’accomplissement ne lui aurait pas garanti de ne pas
être recyclé lors de son retour à la base, alors ; dans ce moment de
vertige, la vue de ces êtres complètement cons lui avait inspiré ce geste,
lui-même complètement con et dans cet instant incertain, cet instant de… il n’avait
plus voulu obéir aux ordres, il avait voulu faire comme eux, faire ce qu’il
voulait ou ce qu’il pensait vouloir et il avait cru sentir quelque chose.
Chapitre 7
Privé de sa paire de dirigeant, le
vaisseau s’écrasa dans l’océan et ses occupants moururent tous plus ou moins
vite, en tout cas ils moururent dans le laps de temps qu’il fallut aux
grandes puissances pour réunir une force d’expédition capable de descendre à 11
000 mètres au fond de l'océan pour découper le vaisseau et en ramener les parties précieuses à la
surface. Alors la société devint une société mondiale de l’abondance, appelée
coalition Z-2, respectueuse de l’environnement et ayant acquis, après avoir été
exposée aux savoirs interstellaires, une sagesse nouvelle. Une paix durable
s’établit. Du moins jusqu’à ce que vint l’heure de raconter l’histoire de ces
évènements.
Les grandes nations s’invitèrent
dans les débats historiographiques, la coalition Z-2 montra des signes de
fractures, les historiens d’affinités X reprochèrent aux historiens d’affinités
Y certaines erreurs d’interprétations. Ces derniers pointèrent des négligences
statistiques montrant la mauvaise foi des historiens X. Il fut
demandé aux historiens des petites nations de choisir leur camp. La population
se divisa en deux écoles, celle de l’histoire
traditionnelle et celle de la nouvelle histoire. Ainsi, après 7 chapitres de péripéties,
le monde était revenu à la situation initiale.
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Fin alternative
Après la chute du vaisseau, il
n’était qu’une question de temps avant que la nouvelle coalition, la Z-2, ne
mettent la main sur les ressources précieuses qu’il contenait. Ainsi, la
société prit un air de société de l’abondance avant même d’en avoir les moyens.
Personnes ne travaillait, chacun s’occupait comme bon lui semblait : lire,
faire des sandwiches, faire l’amour ou divaguer… Tout ça jusqu’à ce que les
grandes nations réalisassent que le vaisseau était trop profond dans l’océan
pour être atteint avec les moyens technologiques de l’époque. Des rumeurs
portant sur l’impossibilité d’atteindre les ressources extraterrestres
menacèrent de mettre à mal le niveau de vie que la population avait atteint par
la seule auto-persuasion. C'était le premier et seul cas d'effet placebo économique. Malheureusement, quand les rumeurs furent confirmées et que l’instabilité
reprit le dessus. L'effet placebo, comme en pharmaceutique, prit fin avec la prise de concscience du malade d'avoir mangé un morceau de sucre. La coalition Z-2 se fractura autour des vieilles inimitiés et
après 7 chapitres de péripéties, ils étaient revenus à la situation initiale.
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