Tout jeune il voulait devenir un
héros comme ceux dont il avait lu les exploits. Il s’était renseigné par la
suite, et avait lu à propos des guerres de l’Antiquité, du Moyen-Âge, du
dix-neuvième siècle, de la première puis de la deuxième guerre mondiale, et
puis la guerre froide et ensuite, des guerres de décolonisation et petit à
petit la guerre avaient perdu de son éclat. Elle semblait s’être dégradé en un spectacle
sans relief et sans artifices, un évènement que l’on regardait de chez soi,
loin, et où les soldats mourraient plus fréquemment par suicide que par les
balles de leurs ennemis, divisés en factions indistinctes aux noms imprononçables,
que l’on faisait sauter avec les populations civiles en espérant soutenir le
bon camp. Pas d’héroïsme, pas de grandeur, pas de figure menant le peuple à la
victoire ! À quoi bon se battre alors, s’était-il dit, et il avait choisi
une confortable carrière d’employé de bureau. Souvent, après le déjeuner, il se rappelait ses
lectures d’enfance et s’imaginait général aux ordres d’Alexandre ou d’Adhémar
de Monteil, tranchant les gorges d’ennemis sans visages et il soupirait se
disant « je ne suis pas né à la bonne époque ! »
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