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La fabrique d'un chef d'oeuvre


En tant qu’écrivain, il se devait de choisir un sujet sérieux. L’heure du repas arrivant, il choisit celui de la faim dans le monde. Il faut préciser qu’il était un écrivain réaliste. Tout d’abord, il s’imagina retranscrire son expérience de la faim au travers d’un personnage fictif. Cependant, s’il avait déjà connu la faim, ce n’avait été rien en comparaison de ce que certaines personnes vivaient. En effet, comment est-ce que quelqu’un souffrant de la famine vivait sa condition ? Pensait-il aux bons repas qu’il avait eu auparavant ? Bien sûr que non. Pensait-il à la sensation de satiété ? Peu de chance qu’il l’ait connue. Il aurait voulu pouvoir interviewer un de ces pauvres malheureux mais il pensa que les réponses qu’il aurait pu recueillir n’auraient pas eu une grande valeur. D’une part, il était blanc, et il avait peur qu’ils lui disent ce qu’ils pensent qu’il voulait entendre par espoir de recevoir de la nourriture. Ce que, malgré son devoir d’objectivité, il n’aurait pas manqué de faire, pensait-il, voyant une troupe d’enfants autour de lui et distinguant son nom parmi les rires. Peut-être après tout, était-ce le moment dans sa carrière de faire autre chose. S’éloigner du réalisme ? Il y songeait sérieusement. Enfin… que dirait sa base dure de lecteur ? Comment réagiraient ses détracteurs ? S’il y avait bien une chose sûre dans ce monde, il avait appris tout au long de sa carrière, était que les gens qui épousaient un avis en changeait moins souvent que de conjoint. Que faire alors ? Eh bien, il n’avait pas d’autres choix que d’appliquer sa fameuse recette secrète. Celle tant convoitée et que l’on essayait de lui soutirer à longueur d’interview. Il inventerait son histoire sur la faim et le sous-titrerait récit.



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