Pour lui, la beauté de la poésie se retrouvait
dans l’ivresse apportée par le vin, et la douceur amère du vin éclatait à
chaque rime poétique. Il était poète et ivrogne et il se nourrissait
allègrement à ces deux mamelles comme un nouveau-né agrippe ses lèvres au
biberon de sa mère. Le vin révélait l’aspect tragique de la vie et la poésie en
était le résidu cristallisé de quoi que ce fut qui résista au liquide acide.
Cependant, il avait beau travailler nuit et jour dans sa chambre noire, le vin
semblait toujours tout emporter sur son passage et bien peu de résidu poétique
s’était avéré utilisable. Jusqu’au jour où, travaillant avec acharnement depuis
des semaines et en proie à un accès de créativité aiguë, il fut à court de
révélateur et n’eut d’autre choix que d’utiliser de l’eau, c’est alors qu’il
créa la première strophe de son futur chef d’œuvre :
« Ah cruelle destinée,
Je vois que j’ai passé
Plus de temps à boïre
Mes verres qu’à les écrire ! »
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