Il avait toujours su qu’une chose
comme celle-ci lui arriverait et il avait toujours su qu’il se montrerait à la hauteur.
La femme était de l’autre côté de la barrière et faisait face à la Seine en
dessous, prête à en finir. Il prit soin d’avancer doucement et de pénétrer son
champ de vision le plus lentement possible pour éviter qu’elle ne soit
effrayée. Elle l’aperçut et lui dit de partir. Il expliqua que si elle sautait
il sauterait lui aussi et qu’il n’y tenait pas à cause de la température de l’eau.
En peu de mots elle fut convaincue. Après des débuts difficiles, il avait fallu
lui faire reprendre confiance en elle, lui montrait sa valeur d’être humain,
lui donner des nouveaux repères, leur relation atteignit un point qui lui fit
dire qu’ils étaient bien plus heureux que la plupart des couples. À vrai dire, sa
confiance en elle était devenue si importante qu’elle commença à voir en quoi
il n’était pas aussi extraordinaire qu’il en avait eu l’air au premier coup d’œil,
ce soir fatidique, où elle l’avait vu sur le pont. D’ailleurs, sa vision avait
dû la tromper, soit, car prise de désespoir elle avait été prête à attirer l’attention
de n’importe qui ; soit, à cause du fait qu’il était resté au bord de son champs
de vision tout le long de leur premier échange, comme s’il avait voulu ne pas être vu. Que lui avait-il voulu ? Pourquoi avait-il passé tant de temps à
essayer de la faire aller mieux ? C’était suspicieux, les gens ne
faisaient pas tout ça pour rien. De toute évidence elle était encore tombée sur
un manipulateur.
*