Ce qui n’aurait
dû être qu’une simple mission de reconnaissance se transforma, contre toute
attente, en bien autre chose. Les premiers temps, tout se déroulait
normalement. Le camp qu'il avait dressé était constitué d’une tente, d’un feu de camp, d’un fil à
étendre le linge, d’un endroit où faire ses besoins (qu’il aimait changer
régulièrement) et d’un endroit où stocker sa nourriture à l’abri des prédateurs
; l’herbe tout autour avait été aplatie sous ses pas jusqu’à
disparaître complètement là où il marchait le plus. De son camp
partaient en toute direction, des débuts de sentiers damés qui disprassaient tous dans la
forêt environnante.
Le
travail qu’il avait à faire se révéla plus long que ce que ses supérieurs
avaient prévu. Cependant il ne fut guère affecté par cela. Lorsqu’il réalisa
que sa mission de quelques semaines prendrait des mois et plus vraisemblablement
des années, il réagit professionnellement et mis en place les mesures
nécessaires pour poursuivre son œuvre. Ce ne fut que bien plus tard qu’il
réalisa qu’il aurait pu se contenter de rendre ses travaux tels quels. Certes, le
sujet valait la peine d’être creusé mais il n’était pas essentiel à son champs disciplinaire.
D’ailleurs il n’y avait pas eu d’expert sur la question avant que lui-même en
devienne un. Il n’y avait même pas vraiment eu de question. Peut-être avait-il tout
inventé et ses pairs, lui faisant confiance, l’avaient suivi dans son délire. Était-ce
vraiment comme cela que l’on faisait avancer l’entendement humain ? C’était un
mystère qu’il ne chercha jamais à élucider, trop pris qu’il était par ses propres problèmes.
Il se disait souvent que l’on ne pouvait pas répondre à toutes les questions et
que la seule question qui lui importait était celle sur laquelle il passait
déjà ses jours et ses nuits, perdu aux confins du monde.
Il
retournait de temps à l’université pour présenter ses travaux, ses articles,
donner des cours etc… Il attendait ces jours-là avec impatience. La forêt le
lassait tellement !
Qu’il était loin le temps où la nouveauté de l'expérience avait un goût d'aventure ! En effet, son camp était devenu le produit des ses habitudes qui, au cours de longs mois, avaient suivi la même routine. C'était comme si l’étendoir, le pot de chambre et la
tente pouvaient se confondre avec des arbres, des rochers ou des fougères. Et alors la perspective de quitter l'endroit revenait pour lui à partir d'un bureau dans lequel il aurait passé des mois. Mais
dès lors qu’il posait un pied hors de sa forêt, qu’il prenait place dans
l’avion et qu’il se préparait à manger dans sa cuisine, il se mettait à compter
les jours du retour. Non pas que l’endroit lui manquait spécialement, il lui
semblait qu’il n’avait plus grand-chose à découvrir. Du moins en dehors de ses
recherches… et pour les continuer il devait vivre là-bas.
*